La première fois que j’ai entendu parler de la conception universelle de l'apprentissage (CUA), je me suis dit que j’aurais adoré connaître cette méthode avec mes élèves de la classe itinérante. Depuis cette découverte, je l’utilise lors de la préparation de mes cours. Cela me rend la tâche plus facile et je ne suis pas prise au dépourvu lorsque j’accueille un élève à BEP, même au milieu de l’année scolaire. 

J'ai trouvé un article établissant un parallèle entre la CUA et l'architecture : lors de la construction d'un bâtiment, les architectes anticipent les différents besoins pour rendre le bâtiment accessible. Ainsi, les ascenseurs et les rampes pour les personnes à mobilité réduite sont déjà prévus sur les plans. Ces aménagements profitent à tous et toutes : les poussettes, les personnes âgées par exemple, et n’entravent en rien la circulation des autres personnes.  

De manière similaire, la CUA consiste à anticiper la manière dont nous allons rendre notre cours accessible aux élèves à BEP dès la phase de préparation de manière systématique. Construire une séquence ou une séance, c'est également de l'architecture !

Arriver en cours d’année n’est jamais facile pour un élève. C’est la plupart du temps subi : déménagement de la famille, changement d’emploi des parents, réorientation du jeune ou déplacement sanction… C'est pourquoi l'enjeu de l'accueil est très important. Je prends le temps, à chaque nouvelle arrivée, de faire connaissance avec mon élève. Je m'intéresse à son parcours, à ce qu’il ou elle perçoit de ses difficultés, aux aménagements et accompagnements qui étaient en place dans l’établissement précédent.

Un élève qui arrive en cours d'année doit être rassuré, d’autant plus lorsqu’il présente des besoins éducatifs particuliers. L'accueillir dans un cadre défini lui permettra de s'intégrer au mieux. Cela favorisera également une meilleure adaptation aux apprentissages. 

La CUA offre aux élèves un environnement plus serein, favorisant leur préparation aux apprentissages puisque mettant en place des adaptations par anticipation. Ainsi, je prends en compte chaque élève, sans stigmatiser ni juger, afin que l'élève puisse développer une meilleure estime de soi. 

En lycée professionnel, je m'occupe d'une diversité d'élèves, chacun avec son propre parcours marqué par des décrochages scolaires ou des obstacles personnels. Je les considère souvent comme étant arrivés "cabossés". Désormais, ils ne ressentent plus de honte quant à leur méthode d'apprentissage ou leurs difficultés. Ils ont développé leur confiance en soi. Mes élèves sont mieux préparés à s'engager dans le processus d'acquisition des connaissances. Ma priorité est de leur faire comprendre qu'ils ont la capacité d'apprendre et de réussir, même s'ils oublient certains détails historiques. Ce qui compte, c'est qu'ils développent la capacité d'organiser leurs idées, de rédiger des informations, et de cultiver un esprit critique ainsi qu'un savoir-être.

Lorsqu'ils entrent dans ma classe, je leur demande de se présenter, puis je sollicite un ou une de mes élèves pour me présenter. Qui mieux qu'un élève peut parler d'une prof ? Bien que mes attentes soient claires, les élèves savent qu'ils peuvent compter sur moi. Je favorise le dialogue en proposant différents modèles, en m'adaptant aux besoins spécifiques de chaque élève.

Parmi toutes les solutions proposées pour adapter la classe aux élèves à BEP, les outils numériques ont considérablement amélioré leur accessibilité et sont intégrés dans les salles de classe. Cette évolution a simplifié la différenciation pédagogique, comme en témoigne l'utilisation d’applications comme Kahoot! pour des évaluations, qu'elles soient formatives ou sommatives. 

L'application Vocaroo, de son côté, offre une autre dimension pratique : avec l'enregistrement vocal de l'enseignant suivi de la génération d'un QR code, elle permet de mettre à disposition la lecture de texte pour les élèves ayant besoin d'un support auditif, ou encore pour la préparation de dictées à domicile. 

Dans le cadre des corrections, les élèves, de plus en plus axés sur les résultats chiffrés, se voient attribuer un QR code sans appréciation directe. Ainsi, ils sont contraints d’écouter l'enregistrement associé et individualisé pour découvrir leur évaluation. Cette approche favorise une réceptivité accrue, les élèves réalisant qu'ils ne sont pas critiqués de manière négative, mais plutôt encouragés, d'autant plus que je m’attache à leur offrir des retours et une note  généralement positive. Le bonus ? L'investissement des élèves et leurs réactions comme "Madame, vous avez une jolie voix douce", qui facilite l’expérience. 

Bien évidemment, l'utilisation d'un outil numérique s'accompagne de compétences et d'une formation de la part de l'enseignant ou l'enseignante, mais le jeu en vaut la chandelle.

Ghania Mokhtari, professeure de lettres et histoire en lycée professionnel depuis 2014