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Pratique

Origine, nationalité, conviction : une séquence pour accueillir la parole des élèves

Claire Legall-Donot
10 mai 2021 14:01
5 mn

Lors de cette séquence sur les notions d’origine, de nationalité et de conviction, il ne s’agit pas de hiérarchiser ces composantes d’une identité (qui en comprend bien d’autres d’ailleurs !). Il est question, comme pour les séances sur les personnages religieux ou les fêtes religieuses, d’acquérir des connaissances élémentaires sur les principales croyances juives, chrétiennes et musulmanes et sur la diversité interne à chacun de ces groupes. Cela va permettre aux élèves d’abord de comprendre la différence entre l’origine géographique et culturelle, la nationalité et la conviction, et que chaque personne est porteuse de plusieurs identités et enfin qu’en France, grâce à la laïcité, chaque personne a le droit de choisir sa conviction et même d’en changer. 

Ce travail de discussion et de réflexion à partir de ces trois notions permet non seulement aux élèves de conscientiser leur propre identité, mais aussi de déconstruire certaines confusions telles que « Tous les Arabes ne sont pas musulmans et tous les musulmans ne sont pas Arabes », « Il y a des Israéliens qui sont juifs, mais il y a aussi des Israéliens musulmans, chrétiens, athées, etc. » 

Au travers de ces séances, de nombreuses questions peuvent surgir : comment accueillir les témoignages des élèves, leurs remarques, parfois porteuses de préjugés ou de confusions ? Comment accueillir ces paroles et surtout comment s’en servir au bénéfice du collectif et de l’objectif civique qui sert de toile de fond ?

Je vais tenter ici de vous rassurer et de vous apporter des éléments de réponse au regard de ma pratique de classe :

  1. S’appuyer sur l’institutionnel : un cadre éclairant
  2. Du côté pédagogique : la pratique des débats réflexifs
  3. L’heure du bilan et apports législatifs

 

1. S’appuyer sur l’institutionnel : un cadre éclairant

Parce qu’il faut bien commencer quelque part, commençons par être au clair avec les programmes et les 3 finalités de l’EMC :

  • Respecter autrui ;
  • Acquérir et partager les valeurs de la République ;
  • Construire une culture civique.

Ces 3 jalons posent les bases d’un programme qui, sous la forme d’un parcours citoyen, peut amener les élèves à construire leur identité de futurs citoyens éclairés.

Mais les programmes de l’EMC présentent aussi les moyens d’y arriver : 

  • Cet enseignement articule des valeurs, des savoirs (littéraires, scientifiques, historiques, juridiques, etc.) et des pratiques.
  • Il s'effectue, chaque fois que possible, à partir de l’analyse de situations concrètes.
  • La discussion réglée et le débat argumenté ont une place de premier choix, un échange d’arguments dans un cadre défini et un retour sur les acquis permettant une trace écrite ou une formalisation.
  • Il se prête particulièrement aux travaux qui placent les élèves en situation de coopération et de mutualisation favorisant les échanges d’arguments et la confrontation des idées.
     

L’accueil de la parole des élèves est donc clairement exposé dans les programmes. Reste à savoir comment le faire pour que chaque intervention d'élève permette d’enrichir le débat collectif. Et comme pour tout débat argumenté, pour tout débat à visée philosophique, pour toute discussion réglée, il faut poser un cadre. C’est à vous de le faire, ou du moins de l’initier ! Cela permet d’expliciter comment on procède, quel langage est attendu, quelles compétences sont travaillées ou exigées, quel temps de parole, quel intervenant… C’est la base mais c’est indispensable. 

Évidemment, il n’y a pas de règle parfaite, juste un fonctionnement dont vous seul·e avez le secret car vous seul·e connaissez votre classe. Cependant les élèves peuvent aider à construire des règles de discussions avec vous et ils se les approprient encore mieux ! La parole doit circuler, chaque élève doit pouvoir participer, écouter, argumenter, proposer sa réflexion... L’enseignant veillera à ce que les règles décidées en amont soient respectées.

2. Du côté pédagogique : la pratique des débats réflexifs
 

Avec le jeu de l’Arbre à défis, ces règles de discussions peuvent et doivent aussi être utilisées. Autour des cartes du jeu (« Arabe », « Français »,  « chrétien », « juif », « musulman », « Israélien »…), les élèves découvrent les caractéristiques d’une origine, d’une nationalité et d’une conviction

Au travers de cartes décrivant la diversité des significations de l’expression « être, se sentir arabe » au sens géographique et culturel aujourd'hui du terme, ou bien « être Israélien » au sens nationalité du terme, ou bien encore «  être chrétien » au sens conviction du terme, les élèves construisent une représentation clarifiée de la notion d’identité.

L’un des objectifs de cette séquence sera de comprendre la différence entre origine géographique/culturelle, nationalité, et conviction.

tableau support de séance pour classer les idées des élèves sur les termes origine, nationalité et conviction

Faire établir un tableau que l’on remplit au fur et à mesure des séances comme celui-ci permet aux élèves de :

  • se projeter dans l’activité proposée ;
  • comprendre le sens de ce qui est travaillé ;
  • de mieux distinguer le sens de chacune de ces notions.


Ainsi, comprenant chacune d’elles, ils pourront aussi mieux se définir et mieux définir l’Autre et ainsi construire leurs compétences du « vivre ensemble ».

Dans le cadre de cette activité, les enfants sont souvent passionnés et comprennent qu’une définition est toujours un point de départ pour discuter, pour partager des représentations, des vécus, des témoignages et des opinions qui sont différents.

Néanmoins, des interrogations peuvent persister et des interventions peuvent interrompre la classe telles que « Mais maîtresse, en vrai, les Français, ils sont chrétiens ou pas ? » 

À ce type de question, j’aime proposer à l’élève d’y répondre lui-même ; il a souvent l’intuition de la réponse et cherche davantage à être conforté : « Alors toi, tu en penses quoi ? Crois-tu ou sais-tu que tous les Français sont des chrétiens ? » 

On notera l’utilisation choisie des verbes « croire" et « savoir » déjà étudiés lors des séances précédentes. Je cherche ici le tissage des liens et donc à construire du sens. 

On proposera donc à l’élève, ou à la classe, d’affiner sa pensée, d’expliciter l’origine de ce propos, de cette question, pour que son témoignage, sa question, devienne une parole réflexive au service de la construction collective de savoirs et de compétences civiques. Ici, effectivement, les origines historiques françaises ont pu construire cette représentation aujourd’hui erronée de la population française. Il est pertinent d’évoquer avec les élèves l’évolution des us et coutumes d’une population dans le temps.

Ce « pas de côté » permettra à nos élèves de sortir du « je » égocentré pour aller vers une compréhension de l’altérité. Au lieu de simplement laisser l’élève dire « Moi je suis espagnol mais français », on l’amènera à s’interroger en verbalisant plutôt « Peut-on être espagnol et français ? », et ainsi creuser la réflexion sur la question des origines familiales, culturelles et la question de la nationalité ici évoquée. La question ainsi tournée permettra de ne pas déstabiliser l’élève en étant trop frontale en questionnant d’éventuelles représentations erronées.

3. L’heure du bilan et apports législatifs
 

Vous laisserez les élèves faire le bilan de cette séquence en groupe et construire individuellement leur identité. Vous n’avez pas le droit de demander aux élèves leur conviction ou leur origine et ce n’est en plus pas utile car l’ensemble du répertoire construit devrait permettre à chacun de se repérer.

Par la définition par groupe puis collective de ce qu’est une origine (géographique, culturelle), une nationalité (voir la vidéo : 1 jour/1 question), une conviction et une fois l’ensemble des cartes et des questions analysées, on pourra élargir ce tableau à d’autres origines, convictions, nationalités… L’élève aura ainsi un répertoire vaste permettant de situer sa propre identité sans chercher à hiérarchiser l’une d’entre elles.
 

Certains élèves vouent un profond attachement à leur origine géographique, d’autres à leur origine culturelle, d’autres à leur nationalité. Cela reflète notre société et il ne faut pas s’en offusquer. Notre rôle est bien de permettre la construction de savoirs et de compétences amenant nos élèves à devenir des citoyens éclairés. Il n’est pas question de remettre en question leur attachement ou leur identité. C’est l’un des objectifs de cette séquence : « Comprendre que chaque personne est porteuse de plusieurs identités ».

On n’oubliera pas de mettre en lumière ce que permet le droit français, dernier objectif de la séquence : « Apprendre que grâce à la laïcité, lorsqu’une personne a la nationalité française, elle peut avoir la conviction de son choix, quelles que soient ses origines. » (cf. La Charte de la laïcité expliquée ici)

Ce travail pourra aussi être le support par la suite de productions d’écrits de type « écriture du Je », comme les différents « portraits », en français comme en langue vivante par ailleurs, la construction de l’identité pouvant s’articuler autour de plusieurs domaines de compétences.

 

Pour résumer, rien de très compliqué : 

  • On se met au clair avec les recommandations officielles en privilégiant la construction d’un parcours citoyen ;
  • On guide les élèves vers une analyse réflexive de leurs propos pour construire une réflexion collective ;
  • On les laisse conclure cette séquence : d’une part, une identité est plurielle, elle est composée de différents éléments dont une personne hérite en partie puis qu’elle réinvestit à sa manière, qu’elle transforme plus ou moins, qu’elle choisit de transmettre à son tour ou non…
     

Ayant des connaissances plus précises sur les questions d’origine, de nationalité et de conviction, bon nombre de quiproquos et de présupposés seront évités. D’autres compétences  civiques pourront être construites. Rassurez-vous, les élèves s'expriment beaucoup lors de ces séances mais votre rôle vous le connaissez déjà : être attentif à ce que les élèves s'expriment mais qu’aucun d’entre eux ne monopolise la parole, que chacun ait de la place pour parler, que chacun parle pour soi, écoute les autres

Un réflexe doit toujours vous guider : situer leurs propos comme étant un témoignage parmi d’autres. Ainsi, ils comprennent qu’ils ne sont pas « des experts de leurs origines et/ou de leurs religions, etc. mais des personnes avec une histoire, un vécu qui est, par définition, singulier ».  

À vous de jouer !

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