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Pratique Evaluation

Comment proposer des devoirs surveillés qui motivent les élèves à réviser ?

Thomas Galoisy
23 novembre 2018 11:21
5 mn

Avril 2016 : Je corrige les copies de mes élèves de 1ère en SES. Et là un sentiment de lassitude me submerge… Bon Dieu, ils n’ont rien foutu, c’est pas possible ! ça sert à quoi de passer 3 heures sur ce paquet de 33 copies ! Je me lamente sur mon sort un bon moment… Le lendemain, me voilà devant la classe : c’est l’heure fatidique : il faut rendre les copies. Ce que je fais sans commentaire. Je vois leurs mines déconfites, beaucoup font la tête… Et plutôt que de m’énerver et de renvoyer les élèves à leur médiocrité (comme il peut arriver d’en avoir très envie), je leur tiens un autre discours :

" Bon les amis, on fait quoi ? "

" Moi ça m’agace de corriger des copies et de me rendre compte qu’un bon tiers n’a pas vraiment préparé le devoir. A quoi ça rime ? S’il vous plait, essayez de m’expliquer ce qu'il se passe ! Pas de réaction dans un premier temps… Puis, l’un ose briser le silence :

- " En fait moi j’ai pas préparé car de toute façon quand je prépare, je suis stressé au moment du Ds et j’ai pas une bonne note." Et les autres embrayent :

- " En fait , Madame, ça nous stresse trop de préparer le DS, on n’a plus la motivation… Et puis tout seul, c’est pas facile de se mettre au travail….
- Moi . " Ok, on fait quoi ? Je suis censée vous évaluer quand même mais si c’est pour vous coller que des sales notes, ça finit par me décourager aussi…" Grand silence…
- "Si je comprends bien vous êtes très stressés et donc vous ne préparez pas vraiment les DS. Et certains ont en plus du mal à travailler seul avant le DS… " Et là une idée germe dans mon esprit que je lance comme une bouteille à la mer : 

" Et si vous faisiez le DS en groupe de 3 ? " 

 - "Ca pourrait vous rassurer, non ?"  Plusieurs élèves (surtout les plus fragiles scolairement) réagissent avec enthousiasme. Je vois que d’autres (les meilleurs) n’ont pas l’air très chaud, je les sens gênés mais je les pousse à oser prendre la parole. L’une dit :

- " Oui mais le problème c’est que dans les groupes, souvent il y en a seul qui travaille vraiment, donc c’est pas juste comme système.

- Moi . " Oui c’est un vrai risque. Et si je vous laissais choisir les membres de votre groupe ?" Les élèves acquiescent. "Et on peut encore mettre des contraintes pour pousser chaque membre du groupe à vraiment s’investir. Vous avez des idées ? Un élève propose que ce ne soit pas toujours le même qui écrit sur la copie.

- Moi : " Bonne idée ! On peut décider que tous les quarts d’heure, il y ait un changement de secrétaire. Tiens, je peux aussi rajouter un exercice qui sera fait individuellement à la fin. Cet exercice sera faisable uniquement si vous avez compris les autres."

Nous fixons une date pour le prochain DS, 3 semaines après. 10 jours avant, je leur rappelle ce que nous avons décidé ensemble. Et je remarque à la fin des cours les tractations entre élèves pour former un groupe. Ça discute ou ça s’énerve un peu mais je n’interviens pas. 5 jours plus tard, je vérifie que tous les élèves ont trouvé leurs partenaires. Il y en a 3 qui ne sont pas préoccupés du problème. Je les retrouve en fin d’heure pour trouver une solution qui est toute simple :

- " Il suffit de vous mettre ensemble !

- Ah non Madame, on va s’engueuler, lui il est pas sérieux (je ris intérieurement car cette remarque vient d’un élève qui n’est pas connu pour être particulièrement travailleur…).

- Dans ce cas, vous allez vous retrouver tout seul et retrouver vos problèmes habituels, c’est dommage encore une mauvaise note à l’horizon ! "

Finalement, ils décident de tenter le coup, ouf !

Le jour J arrive et je suis impatiente de voir comment la séance va se dérouler : comme ils sont très nombreux dans une salle assez petite, je suggère de ne travailler qu’autour d’une seule table, il n’y a que 2 chaises à retourner et une seule copie pour 3.
 

Je remarque qu’ils ont formé des groupes homogènes. Normal, les bons ne veulent pas risquer de trainer un « boulet ». Je me dis que ce qui compte c’est qu’ils aient pu choisir leurs partenaires. C’est parti ! Et là miracle, je les vois s’y mettre avec sérieux : ils discutent entre eux pour pouvoir répondre, parfois il n’y a pas un bruit tellement chacun se concentre, à d’autres moments, le bruit revient mais disons que c’est un bruit positif (celui du travail). Je passe dans les rangs et m’autorise à donner un coup de main aux groupes les plus fragiles (je les mets sur la voie). Dans cette ambiance studieuse de travail, soudain éclate un conflit entre les 3 élèves qui ne voulaient pas travailler ensemble au départ. Je m’approche et leur demande de m’expliquer le problème :

- " Lui, il veut pas m’écouter, moi je sais que j’ai raison.

- " Dans ce cas, le mieux est de vous séparer… Mais pourtant, je vois que vos réponses aux premières questions sont satisfaisantes, c’est dommage de vous arrêter là…" J’écoute les 2 élèves en question et demande à la 3 ème ce qu’elle en pense.

- " Bah, je sais pas, je veux pas d’embrouille… Je pense que c’est Thomas qui a raison."

Elle m’explique pourquoi et mes hochements de tête leur laissent comprendre que c’est la bonne solution. Je m’éclipse… Au bout d’une heure, la sonnerie retentit. D’habitude, une bonne partie des élèves en profite pour quitter la classe qu’ils aient terminé le devoir ou pas (même si je propose du temps supplémentaire). Et là, c’est l’inverse qui se passe : la très grande majorité me demande de continuer à travailler. Comment leur refuser ? D’autant plus que travailler en groupe prend plus de temps puisqu’il faut se mettre d’accord. J’avais prévu le coup en plaçant ce devoir sur une plage de 2 heures. Au bout d’une heure quinze, ils ont tous terminé. Je leur demande de retrouver chacun leur table et leur donne un exercice individuel qui consiste à relier sous forme de schéma les différentes notions travaillées avec le groupe. Ce qui n’est possible de réussir uniquement si les exercices précédents ont été compris… Pour finir, ils ont à faire un bilan individuel de la séance.

Après leur départ, je lis leurs remarques et je n’en reviens pas. La très grande majorité a apprécié de travailler ce DS dans ces nouvelles conditions. Voici quelques exemples :
 

" J’ai appris des choses que je n’avais pas compris en révisant ! "
 

- " On est moins stressé car on sait qu’on peut compter sur les autres.
- Le DS fait moins peur et donc on le prépare mieux.
- J’ai mieux réussi que d’habitude.
- J’étais plus concentré que d’habitude
- Je me suis rendue compte que je savais aussi des choses
- C’est pas facile de convaincre les autres et parfois ça a chauffé. " 

Cela développe un sentiment de défi car la plupart s’inquiètent du jugement des autres membres du groupe, ce qui les pousse à préparer davantage le devoir.

Quand je corrige, c’est le bonheur ( ce qui est tout de même très exceptionnel dans la vie d’un prof au moment de la correction…) : les copies sont bonnes ou très bonnes. Ils ont donc vraiment préparé ce devoir. Et cerise sur le gâteau, le paquet de copies est divisé par 3… La coopération, ça a du bon !


Bien entendu, il a fallu repasser à une évaluation traditionnelle mais cela s’est fait assez facilement. Les élèves les plus faibles se sont rendus compte qu’ils étaient capables de réussir, ce qui leur a permis de restaurer leur confiance et ils ont continué à progresser. Au lycée, la préparation au bac nous pousse à rester dans la « norme » en particulier lorsqu’il s’agit de repenser les pratiques d’évaluation. Pourtant cette expérience m’a convaincue que nous pouvons parfois faire un pas de côté pour redynamiser le groupe classe. Le DS coopératif en est un exemple parmi d’autres. Il faut prendre confiance et se lancer ! 

 

Marie-Laure, prof de Sciences Economiques et Sociales au lycée

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